Voici donc la fameuse question…
Ce projet est le regroupement de plusieurs idées qui se croisent, se rejoignent :
Tout d’abord Paris. Hélène et moi aimons vraiment cette ville et nous avons tous les deux construit notre vie parisienne d’une manière que beaucoup considèrent comme idéale : Hélène travaille à 2 minutes à pied de notre appartement, moi à 10 en vélo. Nous avons un appart relativement grand et peu cher pour le quartier, quartier qui d’ailleurs est très agréable, assez piéton, beaucoup de petits magasins, animé (mais appart super calme)… Nous sommes bien dans nos deux emplois (3 même, j’y reviendrai plus tard) mais à ce tableau idyllique se confronte un point bloquant.
Ayant couru tous les deux dans des jardins pendant toutes nos années d’enfance, ni l’un ni l’autre n’imaginons concevoir une famille à Paris. Certes on n’est pas aveugles ni idiots, beaucoup y arrivent, mais ce n’est pas l’envie que nous avons. Devoir aller au parc en métro pour pouvoir faire gambader un bambin ne nous attire pas vraiment, pas plus que de galérer avec la poussette dans les escaliers.
Sensation dérangeante que de ne pas imaginer sa vie sans enfants mais de ne pas concevoir en avoir dans le contexte dans lequel on est.
D’autres choses nous manquent aussi à Paris : la mer, relation étrange que nous entretenons avec elle. Pas pour s’y baigner ou faire du surf, non probablement juste pour l’espace qui s’étend à perte de vue, chose introuvable à Paris. Le calme et la sérénité qui l’accompagnent aussi.
Le soleil… relativement absent de notre vie (orientation de l’appart et des lieux où nous travaillons). Certes on pourrait déménager et trouver un petit 30m² 50% plus cher que notre appart actuel mais mieux orienté. On peut aussi s’endetter sur 30 ans d’un coup pour 50m²… ça ne nous fait pas rêver. On peut aussi sortir après le boulot mais là encore ce ne sont que des subterfuges.
La vie en appartement est aussi sujet de frustration. J’ai abandonné tout mix de musique parce que mixer au casque ça n’est pas passionnant. Il faut faire des concessions, s’adapter (et je ne dis pas que je remixerai un jour si on habite dans une maison) mais c’est toujours désagréable de se voir imposer ce genre de décision sans en avoir fait totalement le choix. Ca nous ramène aussi aux enfants : on a subi pendant des années la petite de l’étage du dessous qui courrait dans tout l’appart 20 minutes avant notre réveil pour savoir qu’on ne veut pas vivre ça dans l’autre sens.
Il y a aussi mon emploi salarié, où je suis bien, j’adore ce que je fais et l’équipe qui m’entoure est géniale… mais 10 ans dans la même société, premier boulot, il est temps d’envisager autre chose. J’apprends chaque jour toujours autant de choses mais ai aussi parfois l’impression de tourner un peu en rond autour de certains projets récurrents, de gérer toujours les même problématiques… et de ne plus forcément avoir autant la motivation… quand je m’entend grogner autour d’une idée foireuse plutôt que d’être enthousiaste d’essayer (quitte à aller dans le mur) je me dis qu’il faut que je fasse une pause… ne serait-ce que pour ne pas communiquer aux autres ces petits raz-le bol inutiles et contre-productifs.
Certes je suis loin d’être inactif par ailleurs (création de sites, photo…), mais cela ne remplace pas d’autres expériences.
Ces préoccupations semblent probablement des préoccupations « de riche » mais je crois que le moteur de la vie est aussi s’aller combler ses désirs quitte à créer de nouveaux problèmes, qu’il faudra résoudre et ainsi de suite. C’est une manière de rester en mouvement constant et de ne pas s’endormir sur ses lauriers.
Au delà de ce dont on ne veut plus à Paris il y a aussi ce qu’on recherche en migrant :
Une maison… un de mes rêves (l’écrire ça fout la pression aussi mais bon… c’est aussi comme ça qu’on avance) c’est de concevoir un jour une maison et la (faire) construire. Pas une maison de lotissement, non un truc qui fait un peu plus rêver (ce qu’on pourrait appeler une « maison d’architecte » pour que ce soit clair). C’est forcément un projet à long terme, très long peut-être mais une chose est sûre : en restant à Paris la probabilité que ça se fasse c’est à peu près 0%. En rejoignant un coin moins dense en habitations on augmente nettement cette proba.
Des relations avec les autres. Paris est une ville formidable mais où les gens se croisent en détournant le regard, où chaque geste de sympathie est vécu comme une agression (qu’est-ce qu’il me veut lui c’est louche). Et ça marche dans les deux sens : on se surprend à plaquer les mains sur ses poches et à garder son sac dans un coin de son champ de vision dès que quelqu’un approche pour vous demander l’heure. Se sentir évoluer comme ça est hautement désagréable.
Les relations dépendent grandement de l’état d’esprit de celui qui les cherche (et pour être honnête on n’est pas très bon à ce jeu là) mais aussi beaucoup de la disponibilité des personnes autour.
Un rapprochement familial ? J’avoue qu’on n’est pas sûr là dessus 🙂 Plus sérieusement malgré la distance on a toujours tous les deux gardé un contact assez proche avec nos familles (enfin je pense 🙂 On a passé un paquet d’heures en train pour allez à Nantes ou à Arès (et Libourne maintenant), on a aussi accueilli pas mal de visiteurs chez nous et passé aussi des heures au téléphone ou à chatter ou « webcamer », donc je ne suis pas sûr qu’on considère vouloir combler un manque. Par contre une chose est sûre c’est qu’il sera plus simple de se voir avec une distance très courte du côté de Bordeaux et une seule autre destination (Nantes) plutôt que la triangulation Paris-Nantes-Bordeaux.
Donc oui Bordeaux est en quelque sorte notre point de mire, qui répond à pas mal de nos problématiques et de nos envies (grosse ville pour le travail, proche de l’océan, climat plus doux que Nantes, pas sur la côte d’Azur [on n’accroche pas], …) mais pas une fin en soi… l’avenir nous dira si la migration sera bien Aquitaine ou autre, mais pour l’instant c’est ce qui répond le mieux à nos attentes.
Alors voilà quelques unes des raisons, il y en a d’autres bien sûr… mais tout ça ne vous dit pas pourquoi ne pas faire un simple déménagement Paris>Bordeaux plutôt que d’aller se cailler pendant des mois sous une tente 🙂
Pour pouvoir répondre à cette question il faut revenir un peu en arrière, l’été 2008 pour être précis. A cette date nous avons fait le constat que je viens de vous décrire depuis le début, à savoir notre envie de quitter Paris et de rejoindre Bordeaux ou ses environs. A partir de la on a donc envisagé les différentes manières de pouvoir déménager et globalement pour faire simple la solution correcte de faire ça c’était :
1/ Olivier trouve un nouvel emploi salarié dans la région
2/ quand c’est OK Hélène revend sa patientèle parisienne et remonte un cabinet à Bordeaux.
On pouvait difficilement faire autrement car Hélène pourra difficilement créer une nouvelle activité sans qu’on ait de quoi assurer nos arrières et justifier d’un minimum de revenus pour trouver un appart.
L’autre approche c’était pour moi de créer une nouvelle activité qui serait géographiquement indépendante afin de répondre à cette problématique bassement financière.
Donc depuis septembre 2008 je recherche du travail sur Bordeaux. Boum, fin 2008 : « crise », ça n’impacte pas directement mon secteur d’activité (le commerce sur le web est toujours en croissance) mais ça a rendu tout le secteur très attentiste et assez peu innovant. Donc gel des budgets marketing, des recrutements, … et ça ça dure depuis pas mal de temps puisqu’aujourd’hui encore rien n’a vraiment changé.
Crise ou pas j’ai pu malgré tout constater que le marché de l’emploi dans le secteur du développement web est assez régulé en province : 95% du travail passe par l’intermédiaire de SSII (société de services) qui font des prestations pour les clients qui en ont besoin. Pour ceux qui ne connaissent pas trop le principe en gros ça donne ça :
La société dans laquelle je travaille est une entreprise qui édite des livres, des logiciels, des papiers d’impression… avec un peu moins d’une centaine d’employés et qui pour vendre ses produits sur internet a recruté en interne une équipe qui gère totalement les sites web : technique, marketing…
En province beaucoup de sociétés fonctionnent différemment : leur plus petite taille ou leur approche différente fait qu’elles n’ont pas dans leur effectif les employés qui gèrent leur site. A la place elles font appel à une société spécialisée qui gère pour elles tout l’aspect technique et intègrent les modifications demandées.
Alors qu’est-ce que ça change ? La société de services est là pour facturer des services, pour enchaîner des projets et des clients, le tout de manière intensive et ultra carrée, encadrée, … rigide. Beaucoup de sociétés de services avec qui j’ai eu des contacts se sont révélées des boîtes à fabriquer du code et des sites, que ce soit au niveau des postes de chef de projet (calculer et additionner les heures des développeurs) que des développeurs (justifier chaque minute passée sur chaque projet). On dit de moi que je fait plutôt parti de ces personnes « carrées » mais je trouve quand même que l’expression personnelle, la liberté, les échanges « inter-fonctions » (marketing-technique) ont une importance capitale. Je fais tout pour tenir mes engagements, mes délais… mais j’ai un peu de mal avec les « gens dans des boîtes ». Je me souviens par exemple d’une réponse qui a scellé mon « non emploi » dans une de ces SSII lors d’un entretien. La question était « comment vous définiriez-vous votre manière de manager votre équipe ? ». Je ne suis pas totalement idiot mais j’avais un peu d’espoir dans cette entreprise qui semblait plus ouverte que les autres… j’ai donc été sincère « J’essaye de mettre mon équipe dans les meilleures conditions possibles pour qu’elle ait naturellement envie de donner le meilleur d’elle-même : souple sur les horaires, leur donner du matériel aussi performant que possible, être disponible pour répondre à leurs questions, favoriser les échanges et les initiatives… » bref une approche pas forcément très française je dois dire mais qui selon mon expérience, mes lectures et les constats faits dans pas mal de boîtes (qui brassent des gros sous et des bon employés) est un gage de réussite.
J’ai eu un « hum hum » en guise de réponse puis on a poursuivi. Quelques minutes plus tard je découvrais que cette société sous-traitait tous leurs développements en Tunisie et qu’ils avaient surtout besoin de quelqu’un pour aller serrer les vis régulièrement. Désolé mais je vais passer… être en déplacement la moitié du temps ne fait pas vraiment partie des choses que je recherche en rejoignant la région bordelaise… d’ailleurs je n’ai jamais eu de suite à cet entretien.
Bref ces mois qui s’écoulent m’ont permis de me rendre à l’évidence qu’il ne fallait pas trop que je compte trouver un travail qui me plaise là-bas et m’a donc conforté dans mes choix d’activité parallèle. J’ai donc monté depuis fin 2008 Cours Apprendre La Photo qui a petit à petit pris son envol. L’idée d’une activité indépendante de toute géographie était donc viable.
En parallèle Hélène n’est pas restée inactive non plus. Face aux différentes embrouilles du cabinet où elle exerçait, il allait être risqué (probable ?) qu’on lui mette des bâtons dans les roues pour revendre sa patientèle. Donc 2009 a été la recherche d’un nouveau local, où elle pourrait exercer à plein temps, toute seule et donc avoir une liberté quasi totale pour la revente.
Tout ça nous amène donc à début 2010 : L’activité d’Hélène a trouvé une nouvelle stabilité dans ce local et les cours de photo sont sur leurs rails avec une activité régulière… de quoi mettre un peu de sous de côté et envisager la migration différemment.
Et si on partait maintenant sans que de mon côté j’ai forcément de travail salarié ? L’idée était lancée, un dimanche matin après que ma mère nous ait (« nous a » pour les pointilleux de la langue française) proposé un deal pour louer une maison que eux achèteraient, et du coup sans les contraintes des habituels propriétaires (revenus >= 3 loyers). Ca y était, les freins réels à la bascule étaient levés et la migration pouvait vraiment se faire… mais on a alors découvert qu’il nous restait des freins psychologiques : tout quitter pour rien de mieux.
En effet comme je l’ai écrit au tout début, on a quand même une vie bien cool à Paris, rien ne nous chasse, rien ne nous presse (hormis le tic tac de l’âge 🙂 Donc mis à plat sur du papier on lisait : on se barre d’un truc cool pour aller sans boulot reconstruire un truc qui va mettre des années à marcher…
C’est à ce moment là qu’ont fait resurface des vieux projets, un peu enterrés parce que peu réalistes… ça fait un moment qu’on avait envie de faire Nantes>la mer noir en vélo (il y a un trajet spécifique)… mais on s’était heurté aux 2/3 mois qu’il faut pour le faire… on avait réfléchi quelques fois à faire un tour du monde, rêvé sur les bouquins de pédaleurs errants… flamme ravivée encore par un bouquin offert à noël par la mère d’Hélène « de l’Alaska à la terre de feu en tandem »… et si c’était l’occasion de nous pousser hors de Paris pour faire un truc vraiment exceptionnel et ensuite de reconstruire quelque chose de neuf à Bordeaux ?
L’idée était la bonne. Quitter notre chouette vie parisienne pour se relancer tout de suite dans quelque chose à Bordeaux nous était très difficile, mais quitter cette même chouette vie pour un projet totalement incomparable (et on verra ensuite) se fait avec plaisir (et beaucoup d’interrogations aussi).
Voilà donc le pourquoi ce tour d’Europe, parce que ça répond à la fois à nos désirs et comble un peu nos peurs de la suite. C’est un excellent moyen de nous donner ce petit coup de pied qui nous sort de notre (trop grand) confort et nous lance vers de nouveaux projets.
Problème de riche ?
Non.
Il y a des questions qu’on ne se pose pas pour ne pas avoir les réponses.
Est-ce que 99 % des gens qui n’ont PAS pris une année sabbatique pour faire un tour du monde regrette de ne pas l’avoir fait ?
Ils ne se posent pas la question.
Non seulement l’idée est bonne, mais elle est, au final, presque évidente.