Un comparatif probablement assez étrange pour beaucoup. David contre Goliath, 190g contre 1.4kg … capteur riquiqui de 12 mégapixels contre full-frame de 42 mégapixels, mais dans quel but ???
L’idée était de faire le point en 2020, avec l’un des meilleurs smartphones « photo » du moment, afin de voir où on en est réellement du rattrapage de performances vis à vis du matériel photo dédié. Je voulais faire ça aussi en condition réelles, en rando à la montagne, et pas juste appareil sur trépied devant un mur de briques.
J’aurai pu faire des comparaisons intermédiaires, avec des appareils photo à capteur 1″, micro 4/3, APS-C, mais voilà, déjà il faut avoir ce type de matériel sous la main, et il faut aussi accepter de l’emmener en rando (poids). Bref j’ai pris pour caricaturer le meilleur smartphone avec le meilleur appareil photo et regardé ce que ça donne.
Bien sûr on sait à l’avance qui va gagner, le but n’est pas là, le but est de voir « de combien » le fullframe gagne encore, et sur quels points il gagne vraiment. Et au passage pour information : zéro sponsor pour ce test, c’est mon matériel personnel.
Le test a été fait de la sorte suivante : pour chaque « scène », j’ai fait une photo au Sony, (en RAW) avec le cadrage qui me semblait le plus adapté, généralement en priorité ouverture, à f/8.0 et 100 iso. Ensuite j’ai dégainé le smartphone et fait une photo en jpeg en mode « auto » (HDR activé / AI désactivée), une photo à l’ultra grand angle si ça me semblait pertinent, une photo en 64 mégapixels (3è capteur) et une photo en mode « pro » pour pouvoir faire un fichier RAW. Sur ordinateur ensuite, j’ai « développé » les RAW du mieux possible en fonction de mes compétences, mes goûts et ma vision de la scène lorsqu’elle s’est produite.
Pas de trépied, pas de cadrage « strictement identique », j’ai fait « du mieux possible en conditions réelles » afin de reproduire l’usage qu’on aurait de l’une ou l’autre des solutions… c’est aussi plus simple pour moi en rando 😉
Pour simplifier la comparaison, je vous recommande de cliquer sur les images pour les ouvrir dans des onglets différents et de passer d’un onglet à l’autre pour comparer.
Place aux photos :
Télécharger le RAW du S20+ (DNG)
Analyse de cette première série de photos :
Les JPEG Samsung souffrent selon moi de plusieurs gros défauts :
- le lissage à la truelle, particulièrement visible dès qu’on regarde l’image en zoom 1:1, ça transforme toutes les herbes en taches de peintures façon impressionniste
- le renforcement (sharpen) très très accentué pour compenser le manque de netteté des objectifs
- Ces 2 points rendent le mode 64 mégapixels frustrant : il y a bien un apport de résolution, mais il est totalement noyé dans le rendu impressionniste du jpeg… et ce mode n’est pas accessible en RAW 🙁
- les couleurs sursaturées, c’est flatteur au départ, par exemple sur l’eau dans les photos du dessus, mais les ciels bleus virent au cyan irréel, l’herbe est aussi très très claquante. Pas forcément désagréable mais pas très représentatif de la réalité.
Il y a quand même pas mal de bonnes surprises :
- En vue juste « plein écran » sur un écran pas trop grand/défini (ou vu de loin) les images fournies sont assez sympa, très flatteuses, en terme de saturation et de piqué apparent
- le HDR se débrouille bien pour ne pas cramer les nuages, ce qui arrive systématiquement sur les smartphones qui n’ont pas ces fonctions car les petits capteurs ont du mal à encaisser les écarts de dynamique correctement.
- Les RAW ont pas mal de latitude de traitement : si on n’a pas surexposé à la prise de vue pour conserver des détails dans les hautes lumières, le débouchage des ombres fonctionne plutôt bien. On a toute liberté ensuite d’ajouter finement de la saturation et de l’accentuation sans transformer les images en peinture impressionniste ! Quel regret de ne pas pouvoir faire de RAW avec le capteur ultra grand angle ni celui de 64 mégapixels (pour le grand angle ça semble possible via une autre application, OpenCamera, mais je ne le savais pas avant de faire le test / pour le 64 mégapixels, dans l’immédiat rien à faire même avec les applications tierces).
- Le capteur de 64 mégapixels aboutit à des JPEG aux couleurs plus fades mais moins délirantes (ciels notamment).
Sur cette première série pas trop exigeante (hormis en terme de piqué) je trouve que le smartphone s’en sort plutôt bien. Le fullframe est bien sûr inatteignable en terme de résolution pure, de piqué, de netteté sur la totalité de l’image, mais le smartphone est loin d’être à la rue dès qu’on arrête de regarder les photos en zoom 1:1
Photo suivante…
un peu après le lever du soleil. Outre ce qu’on a déjà vu, ça me permet de tester un peu le rendu en terme de couleurs et de voir comment s’en sort le smartphone au niveau gestion des contrastes qui sont assez prononcés à cette heure là, avec souvent le besoin de déboucher les zones sombres. C’est sur ce genre de photos par exemple que les smartphones des années précédentes étaient totalement à la ramasse.
Télécharger le RAW du S20+ (DNG)
L’analyse est cette fois plus complexe… tout d’abord la version RAW souffre d’un étrange défaut de netteté. D’une manière générale j’ai remarqué que l’autofocus était moins bon en mode pro qu’en mode automatique, mais là c’est net à gauche et flou à droite, ça me dépasse. Ça n’est pas une histoire de profondeur de champ car des zones à la même distance sont nettes à gauches et floues à droite. J’ai bien l’impression que l’appareil fait du HDR même en mode pro et donc assemble plus ou moins des images dont l’une serait floue… ça n’est pas clair.
Les images en mode auto normal et ultra-wide sont de nouveau très flatteuses, les couleurs sont très belles, hormis le ciel qui une fois de plus part en vrille dans les cyans, surtout la version « normale ». Le piqué + lissage sont de nouveau horribles, mais ça fait bonne impression tant qu’on ne zoome pas trop. En plein écran sur un écran de 24 pouces par exemple ça rend très bien.
La version 64 mégapixels est là encore très dérangeante, les couleurs sont les plus à l’ouest du test, mais l’apport de piqué sur une image de ce type, avec beaucoup de rochers et d’herbes est appréciable… puis noyés dans le lissage à la truelle. Le mode RAW manque vraiment.
Honnêtement, hormis la couleur du ciel, je préfère le rendu JPEG du Samsung que ce que j’ai fait à partir du RAW avec l’A7RIII. En comparant les deux, les couleurs sont plus chaudes avec une jolie teinte rosée et un contraste bien prononcé. Bon après j’ai l’impression que le temps écoulé entre les 2 prises de vue fait que sr la version Sony le soleil est un peu plus voilé (il y avait pas mal de nuages) donc la différence de rendu provient probablement de là. J’aurai pu probablement améliorer le rendu du RAW de l’A7RIII pour coller plus au rendu Samsung, mais ça montre bien que globalement le S20+ s’en sort très bien.
Comme avant, le piqué de la version Sony est excellent et incomparable, on peut recadrer sévèrement si on veut pour ne garder qu’une image du Pic du Midi par exemple, chose totalement impossible sur la version smartphone, même 64 mégapixels.
Une petite dernière :
Télécharger le RAW du S20+ (DNG)
Pas exactement le même cadrage, prise de vue totalement à l’arrache (en marchant) pour celle à l’A7RIII, d’où le flou de bougé visible notamment à gauche. On voit qu’en terme de RAW, les 2 s’en sortent bien. Les nuages ont des détails et ne sont pas cramés, on arrive à des couleurs pas trop flashy dans les 2 cas, des détails très corrects… bref, dans ce genre de situation, une nouvelle fois tant qu’on reste sur un format juste plein écran sans zoomer, le smartphone s’en sort très bien.
J’en ai d’autres en stock, mais on tourne vite en boucle : accentuation des jpegs, lissage à la truelle, manque de RAW 64 mégapixels, bref vous avez compris.
Conclusion :
Si la photo n’est pas votre péché mignon, que vous voulez des photos souvenir, que vous les visualiserez simplement dans la définition de votre écran/télé/vidéo projecteur (1080p / 4K) honnêtement dans pas mal de cas le smartphone fait illusion et semble largement suffisant. A l’heure où les smartphones commencent à embarquer des petits téléobjectifs, je pense que tous les appareils photo de type compact traditionnels peuvent rester à la maison ou chez le marchant, que ceux avec un capteur de 1 pouce commencent à être franchement talonnés par les smartphone et commencent à perdre de leur intérêt, que le micro 4/3 est quasi mort et qu’il ne reste que l’APS-C, le full-frame ou le moyen format pour réellement apporter un bond qualitatif justifiant de trimbaler, entretenir, charger un appareil photo dédié.
Je suis partagé sur l’utilisation du RAW sur Smartphone. En théorie ça devrait être BEAUCOUP mieux, sauf qu’en pratique c’est très compliqué d’utilisation. Chez Samsung seul l’appareil principal permet la création de RAW, et donc de 12 mégapixels seulement. Donc entre un jpeg 64 mégapixels ou un RAW de 12… mon cœur balance. Il me semble qu’Huawei (par exemple) avec son P40 Pro (et les versions antérieures) permet la création de RAW avec tous les objectifs. Les JPEG sont aussi tellement saturés et contrastés chez Samsung que ça en devient vraiment too much, avec tous les ciels qui seraient à corriger. C’est quelque chose qu’on peut faire en post-production (dans Lightroom par exemple), mais quitte à tout faire passer dans Lightroom, autant que ça soit du RAW et non pas du JPEG !!!
Le full-frame reste toujours très loin devant en terme de piqué, et de rendu de la réalité : les pierres ont une texture (et pas juste un aplat beige), l’herbe est composée de brins (et pas de traits clairs de pinceau sur une bouillie verdâtre)… On peut recadrer sévèrement dans les 42 mégapixels de l’A7RIII (ou les 61 de l’A7RIV) pour varier les cadrages ou compenser une focale trop courte. Avec le smartphone on a plus l’impression que les 64 mégapixels associés à un petit capteur permettent d’affiner un peu les contrastes/lissages… mais au final le gain en définition réelle est assez faible, c’est tellement dommage.
Enfin un petit retour sur l’ergonomie. Contre toute attente j’ai plutôt apprécié l’utilisation du smartphone. Le grand écran, relativement lisible en extérieur n’a pas été un problème. Par contre l’application Samsung est imbuvable pour un passionné d’image, car le mode pro (seul permettant de faire du RAW) est castré (pas d’accès aux autres capteurs que le principal) et manque malgré tout de fonctions basiques (horizon virtuel pour faire des photos droites, histogramme… par exemple). Son accès est aussi pénible : bouton « plus » en bas à droite puis icône « pro » en haut à gauche, puis retour (bas à droite) pour revenir au mode auto si on veut utiliser l’ultra grand angle…
Quelques commentaires supplémentaires :
- Pour compenser les faibles capacités des smartphones, l’utilisation de l’objectif principal (souvent le meilleur) + prise de vue en panoramique est une bonne idée. Il vaut mieux faire des photos séparées (en RAW) et assembler le tout sur ordinateur, les résultat est généralement bien meilleur que le panoramique jpeg généré automatiquement par le smartphone. C’est pratique mais toujours aussi lissé/accentué à mort. La même chose en RAW puis assemblé dans Lightroom permet vraiment de récupérer des images sympa, exemple :
Télécharger le pano en RAW du S20+ (DNG)
La différence se passe de commentaires à mon avis.
- Ne pas hésiter à tester les application photo alternatives, notamment Open Camera et le port de Google Camera pour les autres smartphones par un membre du forum XDA. Sur le S20+ ça permet d’accéder aux RAW avec le capteur grand angle. Dommage pour celui de 64 mégapixels… peut-être que ça évoluera, même si connaissant Samsung ils ne changeront probablement rien pour un smartphone déjà sorti.
- Si vous vous décidez pour un Smartphone comme appareil photo unique, regardez ce que fait Huawei (P40 Pro notamment) car en terme de rendu, d’accès au RAW, de qualité de l’ultra grand angle (moins UGA mais ça n’est pas critique car bizarrement – moi qui suis pourtant fan d’UGA – je trouve les 13mm du Samsung un poil trop grand angle)… il est pas mal devant par rapport à ce que fait Samsung… au prix bien sûr d’une perte des services Google, ce qui peut être un frein important au choix de cette marque. Le haut de gamme Xiaomi (Mi 10 Pro par exemple) est aussi assez performant (capteur principal de 108mpix, RAW sur tous les objectifs…).
- Dans tous les cas, avant chaque photo, un petit coup de nettoyage de la vitre de l’appareil photo du smartphone (même avec le t-shirt) est une bonne idée. Autrement les poussières deviennent vite des taches floues de taille importante sur les images !
- Même chose, les smartphones n’aiment pas trop le soleil en pleine poire ou les reflets sur la vitre protectrice des objectifs. Il ne faut pas hésiter à faire un pare-soleil avec sa main (attention à ce qu’elle ne soit pas dans le champ quand même) pour améliorer le contraste des images et éviter certains reflets parasites internes qui ont vite fait de ruiner les photos.
Petit test : 2 photos, redimensionnées en 1920×1280 (=full HD, voir même un peu plus) laquelle est prise avec quel appareil ?
Il y a bien sûr des différentes, principalement dans les rochers à droite du lac de droite, les arbres au fond en arrière plan, … mais globalement l’écart n’est pas si énorme que ça (à cette résolution). Le rendu général des deux (RAW traités de manière assez identique) est proche : couleurs des ciels/herbes/eau. Détails de l’herbe, contraste remonté sur l’arrière plan, détails des nuages… bref c’est plutôt pas mal pour le smartphone.
Encore ?
Moins flagrant cette fois… Celle au smartphone est un poil moins nette malgré une accentuation un peu supérieure dans Lightroom (40 celles au fullframe / 60 celles au smartphone) mais elle n’a pas à rougir (toujours dans ce format limité).
Bref, à l’heure du choix, il faut avant tout avoir à l’esprit ce qu’on va faire de l’image. Si vous voulez avoir la possibilité de faire un tirage d’un mètre vingt de large pour mettre au dessus de votre canapé, oubliez le smartphone, ça ne sera pas assez net pour fournir un rendu sympa (sauf à faire un panoramique par assemblage de RAW), si c’est pour regarder sur votre télé « full HD », alors en prenant le temps de traiter correctement les RAW ça sera suffisant !
Résultats du test :
série 1 : photo A : S20+ / photo B : A7RIII
série 2 : photo B2 : A7RIII / photo A2 : S20+